Le gui : signe d'une nature préservée
En hiver vous remarquerez partout en Ariège d'étonnantes boules vertes accrochées aux arbres...
De tous temps les hommes ont attribué au gui des vertus sacrées ou médecinales. Comment en effet ne pas remarquer ces touffes vertes avec leurs boules blanches perchées sur des arbres sans feuilles en plein hiver? Et comme le gui est très rare sur le chêne -- moins d'une quinzaine en France, arbre qui symbolise la force et la puissance, pas étonnant qu'il ait été très recherché par les druides.
Il est aussi très recherché par les oiseaux, mais ils n'ont pas tous la même côte d'amour. Le gui aime bien les grives qui mangent les boules entières. Celles-ci vont rejeter un peu plus loin les graines intactes avec leurs fientes. Ce n'est pas le cas avec les pigeons ramiers (palombes) dont les puissant sucs gastriques détruisent les graines malgré leur paroi épaisse durant le transit intestinal. Le gui aussi déteste des mésanges (bleues ou charbonnières) et les sittelles car elles décortiquent la graine pour la manger. Il préfère nettement les fauvettes à tête noire qui se contentent de manger le mucilage interne des baies--la viscine--et se débarrassent des graines collées à leur bec en le frottant contre les branches, et ainsi, les sèment sur place!
Le gui, dès qu'il germe, émet un suçoir--il n'a pas de racines--qui va aspirer la sève brute de l'arbre, c'est-à-dire l'eau et les sels minéraux que les racines de l'arbre ont puisé dans le sol. De ce fait la branche qui enfle à l'emplacement du pied du gui, sans qu'on sache pourquoi d'ailleurs, est plus fine après! Mais le gui n'est parasite qu'à moitié. S'il est vert c'est parce qu'il contient de la chlorophylle qui lui permet d'assurer la photosynthèse avec la lumière du soleil. Et s'il reste toujours vert c'est que ses feuilles, au lieu de tomber bêtement à l'automne comme celles des arbres, vivent 18 mois. Mais le gui émet une pousse chaque année et il suffit donc de compter les articulations pour avoir son âge.
De plus le gui est très prude. Madame et Monseiur font chambre à part. Certains pied n'ont que des fleurs mâles, les autres, ceux qui portent les boules, sont femelles (un sexologue y perdrait son latin)! C'est avec les baies dont l'intérieur est trés visqueux--le nom latin du gui est d'aillerus Viscum album--que l'on faisit la glu: on en retrouve aussi sous l'écorce. C'est d'ailleurs une plante médicinale qui est active contre certains cancers en freinant la division cellulaire. Ce qui ne l'empêche pas d'être toxique à forte dose. Autrefois on croyait qu'il donnait plus de lait aux vaches. Marcailhou d'Aymeric, pharmacien botaniste d'Ax-les-Thermes, rapporte en 1911 qu'on en donnait l'hiver aux moutons. Même les limaces consomment les jeunes pousses. Si elles y arrivent bien sûr car le gui peut pousser à l'envers: s'il germe sous une branche, il pousse la tête en bas! Ce qui est quand même rare chez les plantes. Et il faut aussi qu'il fasse de la marche arrière: en effet l'arbre émet une nouvelle couche de bois chaque année sous l'écorce--les cernes qu'il suffit de compter pour avoir l'âge de l'arbre--et le suçoir racine doit donc reculer d'un cran chaque année, sinon la source tarit. Et ce, quelque soit le sens dans lequel il pousse!
Pour une fois c'est une plante qui nous conseillons de cueillir pour décorer vos pas de portes. De plus vous éviterez peut être des procès-verbaux à leur propriétaire, car des lois de 1888 et 1893, non abrogées, font obligation de détruire le gui.
Et ainsi sera respectée la tradition de la Saint-Sylvestre...(AVEC TOUS NOS MEILLEURS VOEUX)
Lucien GUERBY
Association des Naturalistes de l'Ariège